Cadres anciens calcinés et graphite sur bois noir
Dimensions et propositions variables
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Installation
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2015
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Le 27 mai 1943 une colonne de fumée s’élevait avec persistance de la terrasse des Tuileries. Elle ne disparut qu’avec le crépuscule et le black-out.
L’incendie se localisait aisément dans le jardin intérieur du musée du Jeu de Paume, où crépitait dans les flammes une pyramide hérissée de cadres et de châssis. On pouvait y apercevoir, par éblouissements successifs, des images qui disparaissaient ensuite dans le feu. Des servants entretenaient ce bûcher avec des soins attentifs qui semblaient participer au rituel d’un sacrifice. Une sentinelle en armes surveillait la scène et en empêchait l’approche.
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Rose Valland, Le Front de l’art : Défense des collections françaises : 1939-1945, Paris, Plon, 1961, p. 178.
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C’est à cet autodafé commis par les forces d’occupation nazies en plein centre de Paris, au cours duquel disparurent « environ cinq ou six cents tableaux modernes », conduits au bûcher par un camion militaire, que se réfère La Loi normale des erreurs : Vernichtet. Si cet épisode, dont l’historienne de l’art et résistante fut l’unique témoin, est devenu un objet de controverse pour les historiens – notamment en raison des fluctuations de sa date exacte, plus tard située en juillet 1943 –, la puissance et la concision du récit de Rose Valland évoquent de façon particulièrement marquante la brutalité d’un régime qui voyait dans l’art un danger de premier ordre, ainsi que l’impuissance de la culture face aux flammes ; ce texte rappelle la terrible réalité des bûchers élevés en Allemagne dès 1933, qui visaient à détruire toute trace de la civilisation « non-allemande », ainsi que d’autres épisodes moins connus, comme la lacération des portraits de famille appartenant aux collections juives spoliées sur le territoire français.
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Les cadres calcinés, présentés, contrairement aux autres œuvres de La Loi normale des erreurs, sans numéro d’inventaire ou fiche descriptive, rappellent cette volonté de nier l’existence même de ces œuvres, jugées dégénérées en raison de leur auteur, de leur propriétaire ou de leur style. Passés par les flammes, ils forment une installation particulière, distincte du groupe mouvant constitué par les œuvres destinées au transfert et à la dispersion. Malgré leur destruction, il est toutefois possible de retrouver, dans les bases de l’ERR, les éléments administratifs et historiques subsistant à propos de ces peintures. Il est ainsi possible d’imaginer, grâce à la consultation de documents, les compositions désormais disparues signées André Masson, Erich Heckel, Max Ernst, Pablo Picasso, Salvador Dali ou Yves Tanguy que les débris représentent.
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